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Il a été responsable de ma conversion de punk-no-future en poupée disco-forever. En 1978, “You Make Me Feel” a fait l’effet d’une révélation et a été la cause d’une profonde remise en cause philosophique pour des milliers de personnes, ce qui prouve, dans un sens, que la musique peut réellement changer le monde. La rapidité impossible du morceau, l’abondance d’effets sondres spatiaux, la voix gospel de Sylvester, tout concordait pour me faire jeter à la poubelle une pourtant remarquable collection de disques de Richard Hell, Sex Pistols et Métal Urbain, tous soigneusement volés à la boutique Harry Cover. A l’époque, Sylvester symbolisait l’élite nocturne internationale, celle qui voyageait en Concorde pour aller aux fêtes du Palace et du Saint. En 78, la nuit débordait sur le jour, Fabrice Emaer avait presque une aura d’homme politique tout-puissant et, parfois, pour être accepté par Edwidge à la porte du Palace, au milieu de centaines de touristes brandissants billets de banque et passeports américains, il suffisait de se mettre un drap blanc sur la tête et prétendre qu’on était un fantôme. C’était une époque où les have et les have not avaient la chance de coucher ensemble — et on ne savait pas toujours qui baisait l’autre.
La carrière de Sylvester James a été brillante. De “Make Me Feel” à“Band 0f Gold”, c’était une série incroyable de hits qui ont célébré une façon de danser qui n’avait rien à voir avec les plannings familiaux. “Do You Wanna Funk”, “Stars”, “Sex”, “Don’t Stop”, “Take Me To Heaven”, “Trouble In Paradise” ont été des hits mondiaux de Hi-NRG sans lesquels les clubs gays n’auraient sûrement pas pu évoluer. Surtout, ce qui attirait les fans vers Sylvester, c’était peut-être cette capacité à les soulever plus haut, plus loin, et la majorité de ses disques étaient construits sur le système du vacuum mystique. Sylvester avait un don et tout le monde le sentait. Interviewé en 86, quatre ans avant sa mort à la suite du sida, Sylvester était au milieu d’une tournée qui l’avait fait passer par l’Hippodrome de Londres. Au début du set, il apparaissait seul, surgissant lentement d’une trappe au milieu de la scène, vêtu d’une sorte de toge, faisant des vocalises sur l’intro de “I (Who Have Nothing)” . C’était magique — et tellement camp. Pendant l’interview, il était intarissable sur toutes les artistes de la soul américaine, d’Aretha à ‘Patti LaBelle, de Marsha Wash à Cissy Houston. Sylvester éttiit une bible du R’n’B et son amour pour la culture noire des années vingt montrait qu’il était plus qu’une simple diva disco.

Parlons de ta jeunesse. Tu as toujours habité à San Francisco?

Non, je suis né à LA. Mais j’ai toujours détesté cette ville. A seize ans, je me suis enfui pour aller vivre à San Francisco. Comment as-tu découvert ta voix? J’ai chanté toute ma vie. A huit ans, je chantais déjà à l’église. Pourtant,je n’ai jamais pris de leçons.

As tu su très jeune que tu voulais être chanteur?

En fait, je n’ai jamais voulu être chanteur. Même en 79, a 1’epoque de “You Make Me Feel”, je ne voulais pas chanter. Pendant toute ma jeunesse, j’ai fait des études d’archéologie et j’ai fini par travailler au musée de Los Angeles. Comme je n’avais rien d’autre à faire, je jouais du piano tout le temps et je chantais. Quand j’étais gosse, on me traînait toujours à l’église pour y chanter, alors j’y allais et, dès que j’avais fini,je m’enfuyais. Et puis, vers seize ans,j’en ai eu marre et j’ai préféré tout laisser tomber pour devenir une folle. Je vivais alors dans une communauté et un jour, il s’est trouvé qu’un spectacle a été annulé et on m’a demandé de le remplacer en chantant quelques chansons. J’ai chanté une drôle de chanson sur Mickey Mouse — une histoire gospel de Mickey Mouse !— dans le show des Cockettes à San Francisco. J’ ai fait deux shows avec elles en prenant le nom de Rubie Blue. A cette époque, je portais des robes longues et je tirais mes cheveux en arrière.

Y a-t-il des gens qui viennent à tes concerts et qui te connaissent de cette époque?

Oh oui... Donc, je vivais en plein délire et je chantais du blues et du jazz. Et puis, un jour, quelqu’un m’a proposé de monter un spectacle, j’ai accepté et, en un rien de temps, j’ai su que c’était complet, plein à craquer. J’ai chanté une semaine, puis une autre et tout d’un coup les journaux se sont mis à parler de moi, le spectacle était celui que tout le monde devait voir. Tout de suite après, je me suis trouvé en train de travailler avec Boz Scaggs pour quelques chansons, je suis parti avec les Cockettes à New York pour chanter à l’Adison, mais entre temps, mon groupe avait disparu et j’avais besoin de chanteuses. C’est comme ça que j’ai rencontré les Sweet Inspirations avec Cissy Houston. Le soir de la première, j’ai fait mon petit spectacle, j’ai eu des critiques formidables et le lendemain, j’étais en studio pour enregistrer quelques chansons... Tout arrivait, comme ça, sans que tu ne fasses rien? Exactement. Je ne sais pas comment c’est arrivé. J’étais complètement extravagant et il était évident qu’il y avait en moi un talent, une voix, que les gens découvraient, mais dont moi je ne savais rien. Quand je suis rentré à San Francisco pour le réveillon de fin d’année, j’ai fait un petit concert et trois filles ont débarqué d’Oakland pour m’accompagner et comme par hasard c’étaient les Pointer Sisters et tout de suite après, j’ai signé avec Blue Thumb et c’est comme ça que j’ai fait tous mes albums avec le Hot Band. Puis j’en ai eu marre et je me suis échappé en Europe où j’ai fini par chanter du jazz dans un pub de Londres. Je suis allé de ville en ville, chantant dans des petits clubs. Quand je suis arrivé à Paris, on m’a expulsé parce que j’avais teint mes cheveux en rouge et parce que je portais des robes de gitane. Pourtant mon rêve avait toujours été de conquérir la France. Deux ans après, de retour aux USA, “You Make Me Feel” sortait. On a fait ce petit contrat, j’ai écrit les paroles sur un bout de papier mais je l’ai tout de suite jeté, parce que j’étais sûr que personne n’aimerait cette chanson et je détestais la disco de toute façon. Au départ “Make Me Feel” avait été écrit pour faire une ballade mais on a inévitablement rajouté un beat disco et tout de suite après le disque est sorti. Je ne connaissais même pas les paroles parce que je les avais oubliées. J’ai dû écouter le disque pour m’en souvenir.

Quand as-tu rencontré Patrick Cowley ?

A l’époque où je chantais dans un cabaret à San Francisco. Patrick s’occupait des lumières. Je ne savais pas ce qu’il faisait, et ça a duré une année entière. Il jouait un peu de synthés, mais il n’écrivait pas encore de musique. Et puis un jour, il a disparu et on l’a perdu de vue. Plus tard, on l’a retrouvé et il est entré dans le groupe. Nous avons fait des tournées en Europe et en Amérique du Sud. Et puis il est tombé malade... On dirait que tu ne l’aimais pas. Oh non, j’adorais Patrick. Nous étions de très grands amis. J’ai travaillé avec lui pendant des années et j’étais avec lui jusqu’à sa mort, tous les jours. Mais vers la fln, c’était tellement dur pour moi. Bien sûr, j’ai perdu d’autres amis, mais personne de proche comme Patrick. J’ai même des chansons qu’il a laissées pour moi et j’ai essayé de les enregistrer, mais je n’y suis pas arrivé. Il y avait tellement de choses qu’il voulais faire. Il était très malheureux de mourir de cette façon.

Tu as gagné beaucoup d’argent avec “You Make Me Feel”?

Des millions de dollars. Pourtant, c’est typique de se faire avoir dans le milieu disco... Je n’avais pas de manager, je faisais tout moi-même: je trouvais les concerts pour le groupe, je payais les salaires, tout... Avec cette chanson que je n’aimais même pas, je suis devenu riche et célèbre du jour au lendemain. Tu n’as plus de tubes mondiaux comme “Make Me Feel”. Non, et je m’enfiche. J’ai assez de disques d’or. Tu sais, je regarde ma maison, mes affaires et mes bijoux (rires) et vraiment, même si je n’avais plus un seul succès de toute ma vie, ce serait 0K. Je suis aimé et respecté par mes égaux dans le showbiz, indifféremment de ma sexualité, de la couleur de ma peau. Parce que c’est très dur d’être célèbre. On n’a aucune idée de l’impact qu’on peut avoir sur les gens. C’est ce qui est fou avec la célébrité. On se demande si c’est le succès qui vous rend remarquable ou si certaines personnes ont un éclat spécial qui les rend célèbres. C’est quelque chose qu’on a. Je sais que ma voix est un don de Dieu. Ça n’a rien à voir avec moi, c’est au-dessus de moi. Parce que, lorsque je chante, même quand je suis fatigué, si je suis sur scène je ne contrôle plus ma voix. Je chante souvent les yeux fermés, parce que mon esprit divague pendant les concerts. Je me crois toujours dans un autre endroit, une salle plus grande, avec plus de gens, où il se passe plus de choses. Parfois, j’ai même l’impression que mon esprit voyage dans le temps.

 

Qu’est-ce qui attire les gens vers tes chansons ? Est-ce juste la stimulation qu’on y trouve ou cette aura autour de toi?

Je ne sais pas. Je regarde souvent le public quand je chante et tous ces gens sont là, qui me regardent et, pour une raison ou une autre, ils écoutent ce que je dis. Peut-être est-ce à cause de ma conviction, parce que je crois vraiment ce que je chante.

Plantete Dance.Rock and Folk 1991. (DidierLestrade)

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